Vertical Talk

Oct 2023

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Entretien avec des business leaders pour aborder les dernières tendances technologiques dans leurs industries. Notre invité est Hubert de Ravel, Chief Digital Officer de Beachcomber.

Après avoir travaillé pendant presque dix ans dans des entreprises de renommée internationale comme OBS, Nike et McKinsey, vous avez pris la décision de retourner dans votre pays d'origine. Qu'est-ce qui vous a motivé à prendre cette décision ?

Deux volets dans la motivation : professionnel et personnel. Professionnel, chez OBS, j’ai beaucoup développé des bases de données et de l’ABI, de lead des équipes, parce que chez NIKE, j’en ai créé trois et j’en ai lead 3 dans le monde de l’informatique et aussi le côté stratégies, j’ai travaillé chez MC Kinsey qui est le numéro 1 reconnu sur le marché mondial du management consulting. Donc, venir mettre ses talents au service du pays dans l’industrie touristique et relever des challenges, pour moi, c’était très intéressant et aussi d’un point de vue personnel, on a quand même à Maurice une qualité de vie très avantageuse. Donc voilà, nous sommes au Shandrani, on a la chance d’être au bord de la mer et de faire une interview avec des gens qui sont heureux d’être là et pour moi, c’est important.

Aujourd'hui, vous occupez le poste de "Chief Digital Officer" chez Beachcomber, un titre peu connu dans le monde de l'hôtellerie. Est-ce que c’est vous qui avez choisi le titre, et en quoi consiste vraiment votre rôle ?

Quand nous avons choisi ce titre avec Gilbert Noël qui m’a recruté en 2021. Gilbert Noël était le CEO de Beachcomber et il reflète en fait qu’aujourd’hui, dans l’industrie hôtelière et sans doute dans d’autres industries, les personnes responsables de l’informatique doivent être garantes  de la sécurité, de l’infrastructure, des réseaux mais doivent aussi être très proches du business et aujourd’hui, quand nous mettons en place des applicatifs, vraiment, c’est en mode agile, conjointement avec le business et définir les process durant l’implémentation, pour refléter cette proximité du business et cette capacité à s’adapter que nous avons choisi ce titre de Chief Digital Officer.

Hubert, ces dernières années, on a assisté à une accélération presque exponentielle des projets de numérisation dans l'ensemble de l'industrie hôtelière. On parle d'une augmentation du budget TIC de l'ordre de 15 à 25% au cours des trois dernières années. Qu'est-ce qui explique cette tendance ?

Aujourd’hui, il y a deux volets : l’expérience client et l’efficacité opérationnelle. Aujourd’hui, le client recherche un Wi-Fi de qualité pour pouvoir browse, pour pouvoir regarder sa série Netflix préférée, pour pouvoir avoir accès à toutes les informations… Si demain il pleut, il passe toute sa journée dans sa chambre, il faut bien qu’il s’occupe et des fois, les clients arrivent avec 4, 5 ou 6 devices et pour peu qu’il y ait une famille, la consommation est importante et cette infrastructure doit suivre et aujourd’hui, c’est l’attente légitime du client. Deuxièmement, il y a toutes les expériences, les applications toutes les interfaces entre les différents systèmes, les systèmes de réservation de spa, les systèmes de réservation de restaurants, de commande de cocktails… Tout ça aujourd’hui doit être interfacé et ça demande un investissement. D’un autre côté, nous savons que nous avons des difficultés à recruter dans l’industrie touristique et de fait, avoir plus d’efficacité opérationnelle et de l’information et des contrôles qui sont automatisés. De l’information qui flow d’un système à un autre de façon automatique sans human intervention, ça nous permet de faire face à cette difficulté de recrutement et aussi, de dégager cette efficience grâce aux investissements et je pense que c’est pour cela, sur ces deux volets, que pour moi, l’investissement, il est totalement justifié et je l’espère, continuera dans les prochaines années.

 

Dans l’industrie de la finance, on voit l'émergence des FinTech. Est-ce qu’on aurait pu faire un parallèle similaire avec votre industrie et parler de "Hospitality Tech" parce qu’on voit beaucoup de similitudes comme les applications qui commencent à entrer, tout ce qui est « low touch, no touch », parlez-nous en…

Dans la FinTech et l’industrie hôtelière, ce que nous essayons de digitaliser, c’est l’expérience client. Pour nous, l’expérience client commence quand le booking qui est fait, ensuite, le client check-in à l’hôtel, passe son séjour, check-out et ensuite, il y a le post-stay. At the end of the day, c’est ça que le client vient chercher chez Beachcomber.

Le bon moment, l’expérience et pour rester vrai à notre ADN, c’est vraiment comment la digitalisation se met au service. Donc, oui, une application permet au client de mieux prévoir son séjour, savoir quelles sont les activités disponibles, voir ce qu’il peut faire dans l’hôtel, mieux connaître le management, préparer les différents restaurants qu’il veut book et les expériences culinaires qu’il veut faire. Voilà, tout ça fait partie de l’expérience client et est facilité par du digital, des applications et là où ça devient intéressant aussi est quand l’expérience de nos artisans, par exemple, on équipe nos artisans d’applications qui permettent de mieux servir le client. Ça décuple cette expérience, par exemple, au Paradis, quand on a commencé à mettre en place du ordering par téléphone sous les paillottes, on a commencé à voir les noms des artisans qui apparaissaient dans les commentaires clients. Ça veut dire que les artisans avaient plus de temps grâce à la technologie pour tisser une relation avec le client. Ce qui donne une meilleure expérience et l’envie de revenir chez nous. Donc, la technologie au service du client oui ! Gardons en tête que le produit final, c’est l’expérience.

 

Dans votre industrie, on parle beaucoup de tourisme durable et notamment les « scorecards » du GSTC qui est le Global Sustainable Tourism Council. Comment est-ce que les technologies émergentes peuvent-elles contribuer à cette cause ?

Donc déjà chez Beachcomber, ça fait plus de 5 ans que nous mettons l’emphase sur le sustainability et cette année-ci, nous avons quelques hôtels qui vont passer la certification « Rule ??? EarthCheck », donc, ça veut dire que « earth check » pendant plus de 5 ans et les TIC définitivement aident. Déjà, le numérique réduit la quantité de papier imprimé, chaque mois, on fait l’inventaire d’un économat, c’est plus de 150 pages par exemple et quand on multiplie par 8 hôtels, ça fait beaucoup. Nous avons aussi tout le côté IoT qui permet de contrôler notre consommation et de faire des preventive maintenance. Tout cela permet donc de réduire notre empreinte carbone. La mutualisation de certaines ressources, par exemple, bouger nos serveurs dans un data center où la climatisation est partagée avec d’autres groupes, donc, réduire l’empreinte carbone. Nous sommes en train de mettre l’emphase dessus.

Nous avons déjà dépassé la barre des 900 000 touristes pour cette année. Selon vous, est-ce que la crise est-elle derrière nous finalement ?

Alors, personnellement, oui, nous avons des clients, oui, nous avons un chiffre d’affaires intéressant mais les challenges, c’est aujourd’hui et c’est demain. L’industrie touristique aujourd’hui a besoin d’investir pour embellir ses hôtels. Nous avons aussi des soucis de recrutement que nous connaissons dans l’industrie. Tous ces challenges dans l’industrie sont là et nous avons de plus en plus de clients très exigeants qui à travers des plateformes comme TripAdvisor ou Booking.com, peuvent très facilement passer d’une destination à l’autre, d’un groupe hôtelier à l’autre, pour ces réservations et nous devons être de plus en plus sélects sur la prestation que nous offrons. Donc, les challenges, c’est aujourd’hui, y compris, financièrement.

Parlant des challenges, quels sont les défis les plus importants que l'industrie hôtelière devra relever dans les années à venir ?

Aujourd’hui, le gros challenge et qui semble perdurer, c’est le recrutement des talents. Tous les groupes hôteliers aujourd’hui ont besoin de recruter beaucoup de postes que ce soit dans du housekeeping, de la finance, dans les cuisines et l’informatique aujourd’hui connaît le même challenge. Aujourd’hui, le gros challenge est d’attirer les talents et d’un point de vue des TIC, la capacité pour le pays à entraîner les jeunes vers ces carrières et aussi à les former. Aujourd’hui, 2 à 3 années d’études, c’est vraiment un minimum pour un ingénieur, pour un technicien mais cela ne va pas sans la passion qu’il y a derrière et là, charge à nous, dans l’industrie, de donner envie aux jeunes.

Pour les entreprises ou pour les hôtels qui entament leurs stratégies de digitalisation, quels conseils avez-vous à partager ?

Investir dans le talent, investir dans la capacité des équipes à être transverse, à comprendre la finance, people and culture, comment est-ce qu’on calcule un payroll, quels ont les GL codes qui sont utilisés dans l’entreprise et comment est-ce qu’on fait du reporting ? comment est-ce que le front office travaille ? Voilà, des talents transverses qui sont capables de venir créer autour d’une même table, la synergie entre business et technologie, ça pour moi, c’est number one !

Pour aider tout cela, il faudrait, bien sûr et on est tellement occupé à cela, du côté technologique, il faut trouver des partenaires qui nous aident à réfléchir. Je pense que c’est fini le moment où moi je vais voir un partenaire et je lui dis que j’ai besoin de ça. Je préfère beaucoup plus investir dans un partenaire qui vient dans mon hôtel, comprend mes besoins et vu que lui, il a servi 10 ou 15 clients et qu’il a un œil extérieur, il vient nous amener les technologies de demain parce que personnellement, je n’ai plus le temps de le faire et mes équipes, bien sûr, nous sommes friands de nouvelles technologies mais le pace of implementation fait que nous avons besoin de ces partenaires et aujourd’hui, quelqu’un qui sait le faire, a vraiment un competitive edge.

Troisième chose, nous travaillons pour les actionnaires et on dégage de la valeur quand l’information passe d’un système à un autre. Les systèmes en silos, c’est très bien pour une fonction mais ça ne marche pas, ça marche plus, il y a mieux aujourd’hui.

Si par exemple, un client book un hôtel, book son spa, quand il arrive, je lui tailor l’information, je lui tailor la façon dont je lui présente son séjour, il a envie de revenir et l’information flow jusqu’au système d’accounting qui fait le reporting. No human touch. Donc, aujourd’hui, l’information flow d’un système à un autre, c’est ça que nous recherchons et les suppliers qui sont capables de proposer ça, ont un deuxième competitive edge sur la concurrence.

En tant que spécialiste de la technologie, je ne pouvais pas conclure cet entretien sans vous poser la question, quel est votre gadget favori, bien entendu, on ne parle pas du portable, est-ce que vous en avez un et pourquoi ?

Personnellement, c’est mon smartwatch qui aujourd’hui, me permet de mieux m’entraîner parce que je peux suivre mon rythme cardiaque et je peux aussi m’entraîner sans mon téléphone parce que je peux mettre de la musique directement dans mes oreilles grâce à ma montre et ça me permet de laisser le téléphone et de couper pendant mes entraînements, ça c’est important !